C’est
notre histoire à tous : celle de notre rapport passionnel au travail.
L’histoire de ces pulsions qui nous capturent et nous fixent dans le travail,
dans le salariat, dans l’entreprise, et dans le néolibéralisme - alors que,
peut-être : la vraie vie est ailleurs ?
Pendant
ce temps le capitalisme carbure… Il carbure à la crainte (de manquer), au désir
(de consommer), et à ces nouvelles passions : « se réaliser »,
« s’investir », et finalement épouser le désir maître - celui du
patronat. Ainsi le capitalisme a colonisé nos âmes, capturant la quasi-totalité
de nos désirs.
Mais
il reste encore, en chacun, un désir propre, faisant écart aux commandements du
désir maître ; cet écart, cette résistance possible, nous
l’appellerons : l’angle Alpha. Et nous y danserons.
NOTE D’INTENTION
Il s’agit de l’adaptation pour le théâtre
d’un essai de Frédéric Lordon, Capitalisme, désir et servitude. Marx et
Spinoza, paru à La Fabrique en 2010.
« Adaptation », cela veut dire que
j’ai bien sûr entièrement réécrit
l’essai de Frédéric Lordon pour en faire un matériau théâtral ; un
matériau à la fois plus compact (le spectacle dure juste une heure),
et plus aéré, puisque les énoncés philosophiques alternent avec des moments
dialogués, des situations incarnées où les acteurs interrogent les situations
de travail que le texte théorise : situations dramatiques ou comiques,
souvent burlesques – la tragi-comédie de notre rapport aliéné au travail
autorise tous les registres, du plus grave au plus léger… Et la philosophie
n’interdit pas les blagues ; souvent, même, elle les cultive.
Cette forme ludique, organisée autour de
notre fameuse échelle rouge qui sert de métaphore à tout jouer, permet de
traduire efficacement l’essentiel des concepts philosophiques propres à saisir notre
rapport au travail : le «conatus» (concept emprunté à Spinoza pour évoquer ce
qui nous mobilise), et «l’angle Alpha» – concept élaboré par Frédéric
Lordon pour théoriser l’écart possible, la résistance que chacun peut opposer à
l’enrôlement par le désir maître néo-libéral. Porter ce texte à la scène est
pour moi une manière d’offrir en partage ces concepts, afin que chacun, pris
dans l’expérience passionnelle de ce qui le mobilise au travail, puisse
s’emparer de sa puissance émancipatrice.
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